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La dernière vague
27 juillet 2016

Récitatif x

Récitatif x

 

Le barbare se réveille dans l’hôtel, sans masque, sans yeux, juste une immense bouche. Sur son épaule, le petit arracheur de dent est là, avec une pince. Le barbare se lève, va arroser la baignoire pleine d’arbres. Un temps. Il semble ensuite remarquer le public, regarde vers la caméra, son arrosoir en main.

B : Les arbres dans la baignoire ne sont que des corps de femmes. Leurs têtes coupées, flottantes, s’amusent à venir me narguer la nuit. Dès que j’essaie de les saisir dans mes mains, de toucher leurs joues roses, pincer leurs longs cils, elles nagent loin de moi. Il n’y a plus de femmes nulle part maintenant, plus d’opaques, plus de claires, seulement des ombres partout. Mais moi, je veux des femmes ! Je veux saisir leurs têtes entre mes doigts, sentir leurs cheveux contre moi. J’arrose leurs arbres et alors maintenant je suis heureux. Heureux béat édenté abruti déformé aveugle. Cela fait longtemps que je ne me sens plus. Le froid de l’orbe bleu ne perce même plus mon corps. J’épouse son regard glacial comme si c’était le mien. Je ne languis plus, je brûle et je sèche dans les larmes. Avant, vous me voyiez crier dans les rues, le long de la murette, dans les cous mordus des femmes. Vous ne m’y verrez plus ; je suis sage maintenant, impassible et glacial. Mon humeur tombe sur ma vie comme un frimas sur la plage, un voile devant mon visage. Et je ne cours plus maintenant, je ne crie plus dans les rues vous savez. Je suis poli et lisse, j’attends dans ma chambre que l’on entre sans frapper, je hoche la tête souvent, je souris quelques fois, et ensuite on me laisse sans fermer la porte. Je ris au bruit incessant des autres et tolère leurs souffles grotesques. Il n’y a pas de raison d’avoir peur, ne pensez plus à avant, vous pouvez me suivre. La ville est jolie, je peux vous la faire visiter. Il y a, un orbe bleu…des néons bleus. L’enceinte principale est un bar aux lumières bleutées qui s’appelle La Plage. Je fais souvent des visites avec le petit arracheur de dents, il accompagne mes paroles en prenant quelques fois mes dents. Je ne m’en lasse pas, j’aime vous montrer notre magnifique ville bleue. Le soleil ne se lève plus en revanche ; il est parti au moment où les femmes ont eu leurs cous coupés. C’est notre particularité locale. Je vous en prie, suivez-moi.

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