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La dernière vague

6 mars 2017

mourning

Mourning

 

Mourning is denial – I kept on working, even more than usual

Even though I could not sleep at night

Thinking about bodily functions and how bodies rot

Fear holding me

 

Mourning is infinite sadness – I cried everyday in the sub

Face stayed blank in front of others

I did not tell much to people

Actually I did not tell anything to anyone

 

Mourning is loneliness – People could not handle my mother’s shroud

I had to carry it all by myself

In silence with my father we never cried together

Only once during the funeral

 

Mourning is apathy – I stayed calm and collected

Not being able to talk

I could not tell my friends about it

Life goes on without feeling it

 

Mourning is violence – I had nightmares all the time

I was sometimes struck by night paralysis

Always when I dreamt about seeing her again

And realizing that only death would reunite us

 

Mourning is emptiness – I looked around me all the time

In hope to see faces I love

But I only saw emptiness everywhere I went

Still now I can’t find anything

 

Mourning is perdurance – and acceptance

Infinite emptiness I accept you, I cherish remembrance

Some days I still dream about her and wake up shaking  and crying

That’s okay

 

I am surrounded by people

That I am still able to love as I loved you

Not in the same way, and as empty as I am

I am still able to love, to love, to love

 

----

 

We did not kiss goodbye.

The yes bulked out of her drunken eyes

And she said you are not that kind of girl

 

But I can’t.

I can’t.

We held hands all along but I can’t.

 

She said I will never forget you and I can’t

I can’t

I can’t

 

I’m so tired of girls looking at me

With their yes eyes and their yes hands

And their arms all around me

 

Searching for my touch looking through my eyes

Veiled eyes of apathy

Can’t unsee girls can’t look at them

 

I let them go

I let them go

 

Unwrap these fingers

I love your thighs and your hand on mine

I still have today a girl’s smell on my thighs

 

And it pleases me. I don’t want more of it

I don’t want more of your touches and kisses

And words

 

(I want you so much that I can’t kiss you

Will you be a tomorrow girl

Will you heal the wound

That opens each time you look at me)

 

Tomorrow you’ll be dead.

In six months you’ll be dead.

Open the wound –only.

 

The night of yes eyes is gone

I know they were here

But can’t stare back. Never could

 

When my lover still looked at me

I could not stare back and it was so painful

I want to come undone

 

And I can’t.

 

 

----

 

 

22/04

Et parfois quand elle se rapproche je suis tout à coup frappée par la peur de ne plus savoir bouger et j’ai aussi peur quand elle se rapproche de l’homme, là-bas, j’ai peur que ce soit encore toujours la même chose

Pourtant,

Cette fois,

Il semblerait que non. Elle a les cheveux blond platine, un joli haut rouge, et des yeux probablement entre le vert et le marron –je ne peux pas bien les voir à cause des lumières stroboscopiques, et puis la plupart du temps elle les ferme en dansant, la tête levée. Moi je suis plutôt ridicule et je regarde un peu partout sans savoir pourquoi. Quand elle a les yeux fermés je la regarde un instant, avant de vite me détourner en comprenant l’étrangeté de ma contemplation. Comme d’habitude j’ai peur, j’ai peur, j’ai peur, je me sens seule, j’ai peur

Elle a son front contre le mien. Elle se rapproche, elle me tient je crois. J’effleure ses bras avec mes doigts, doucement, et puis je n’oublie pas de prendre de grandes inspirations, lentement. On se prend les mains, on sourit. Elle a l’air un peu gênée, aussi. Moins que moi tout de même. On s’éloigne un peu, on continue à danser, sourire, les gens ne sont plus trop là autour. Parfois je regarde l’énorme boule disco kitsch qui trône en plein milieu du plafond. Elle me sourit encore, je pense avoir l’air un peu perdu. J’aime comment elle me regarde. On sait toutes les deux ce qu’il va se passer, et pourtant, j’ai l’impression qu’elle prend le temps de me regarder. Cette tendresse –celle qu’on ne voit que rarement, et je me vois moi-même par le biais de son regard, transfiguré en immense miroir rassurant par la tendresse.

Elle revient, sa bouche entrouverte tout près de la mienne. Et puis on s’embrasse, c’est toujours un peu maladroit au début, finalement, on finit par bien s’accorder, et je retrouve cette certitude qui parfois s’enfouit si profondément en moi que je ne la ressens plus : elles ont toujours les lèvres plus douces. Quand on s’éloigne, je reste un temps abasourdie par la gêne, l’alcool et la surprise. Et je savoure une nouvelle fois le fait que moi, je suis une fille, et je peux embrasser des filles, et elles peuvent être toute proches de moi et me regarder avec cette tendresse de fille me regarder moi –qui oscille en permanence entre le moi fille et le moi androgyne. Je suis émerveillée. Je suis toujours, encore, émerveillée par tout ça, par ces yeux et ces lèvres de fille qui se posent sur moi.

Encore plus proche. Les bouches synchronisées, j’observe mes mains, qui tantôt voguent sur ses bras en les effleurant tout doucement, tantôt se rapprochent de son visage, pour venir le toucher, ma main légèrement appuyée contre sa joue, mélangée à quelques mèches de cheveux. Ses épaules, ses mains. Tout près encore, j’effleure sa hanche. Elle prend ma main, l’appuie fermement contre sa hanche. Je la tiens tout contre moi, je n’effleure plus. Elle m’embrasse, me tient cette main contre elle, parfois glisse sa main dans mon dos pour me presser contre elle. Elle met sa tête dans mes cheveux, dans mon cou, elle m’embrasse, y retourne, mordille mon cou avant de revenir de nouveau.

Ce qu’il y a : je n’ai plus peur, et puis même, je me sens bien tout est si coordonné. Ses regards, ses mains, tout me guide et me rassure. Elle s’arrête parfois pour me parler, me taquiner à cause de ma tenue totalement saugrenue dans une boîte où tout le monde est en t-shirt et moi affublée d’un gros pull noir. Et puis elle me regarde et me dit que même avec mon pull noir je reste la plus belle. Et je la regarde sans savoir quoi dire, pourtant elle rit, et je ne me sens pas mal de n’avoir rien su répondre.

Je sais qu’elle va bientôt devoir partir et moi aussi puisque le matin arrive. Malgré tout, elle a l’air de vouloir prolonger un peu tout ça, elle me dit quelques fois qu’elle doit partir mais elle reste et revient vers moi. Plus s’approche le moment du départ, plus les baisers deviennent profond, langue goût cerise noire, ma main s’appuie sur sa hanche sans y être guidée. Parfois, on est déstabilisées par les élans de chacune dans nos baisers, l’on se rattrape mutellement en glissant un bras rassurant dans le dos de l’autre, l’entourant en une étreinte. Ses mains à elle deviennent de plus en plus proches sans être insistantes : je veux je veux je veux. Et pendant que je l’entoure de mon bras en tenant son visage d’une main, elle attrape ma cuisse, remontre contre ma hanche, s’y arrête quelque temps, puis remonte encore en emportant une partie de mon pull avec elle jusque ma taille, qu’elle tient. Puis ensuite, elle lève sa main, la fait retomber le long de mon torse, en prenant soin de passer entre mes seins pour retomber sur ma hanche.

J’aime ses longues et langoureuses étreintes, mais j’aime aussi les moments où l’on se regarde, on rit vaguement et on ponctue nos discussions par de légers baisers déposés avec complicité sur les lèvres de l’autre. Je trouve l’harmonie dans ce balancement entre sensualité et complicité –là est la tendresse. Vient le moment de départ, je l’attends à la sortir, les mains tordues nerveusement par toujours cette question de comment dire au revoir, un signe de la tête, de la main, une bise un baiser ? Encore une fois, je suis surprise par son front contre le mien. On se regarde, elle m’embrasse, on est interrompues, on rigole et on sourit quand nos lèvres se rencontrent encore. Je profite une dernière fois des lèvres cerise noire, et quand on se sépare finalemnent, nos mains se tiennent jusqu’au moment précis où elles sont finalement obligées de laisser l’autre partir.  

----

Mon ombre endeuillée ne connaît aucun répit

Tout le temps je porte le visage de celle qui est partie

Celle qui morte me colle à la peau

Eloigne les curieux repousse ceux qui pourraient m’aider

Vous êtes tous partis sans pouvoir supporter son reflet

Je me revois pleurer seule paralysée dans ma chambre je me revois quand elle est apparue pleurer encore seule toujours ce même isolement mordant enveloppée dans du rien j’ai longtemps pleuré

J’ai culpabilisé seule pour les antiques étreintes des étoiles rouges leur chaleur illusoire brûlante nous nous sommes aimées démembrées tes mains raclent encore la baignoire

Tous ces corps de femmes qui  se sont agglutinés dans la baignoire et qui jamais n’ont pu être évacués par les poignets par les jardins

Plus jamais

Dans la confusion d’une angoisse par delà l’appel d’une nuit de novembre je dois reconnaître une présence toute bleue encore 

Plus jamais je ne me cacherai pour pleurer seule sur la culpabilité des mains de femmes plus jamais je n’essaierai d’en finir avec cette tête peuplée d’amantes c’est la fin d’un combat c’est la fin du papillon rouge craché à ma figure c’est la fin

Linceul des solitudes

Je prends ta main sans crainte.

Papa,

Elle sera toujours morte.

Et les amantes, les chats noirs et tigrés,

Tous toujours morts.

Mais moi,

Moi je me tiens devant toi et je te dis ce qui me fait.

Je te dis ce qui a torturé mon adolescence,

Ce qui a formaté ma solitude

M’a si longtemps mise en deuil de moi-même ;

Et finalement je reviens,

Et si les morts sont immuables

Je reviens toute entière

Et soulagée. Dans cet immense soulagement

Il ne nous reste plus qu’à vivre,

Encore longtemps et paisiblement

Entourés des chats et des souvenirs.

 

 

 

C’est vertigineux

La perte

 

 

Tout à coup les cloches sonnent, de la petite fenêtre dorée sort une forme, un gisant

Mécaniques fantômatiques tous se mettent en marchent, et les habitués regardent nos visages effarés nous abrutis la bouche pendante

Déjà la fin et je n’ai déjà rien vu

Elle me dit : approche-toi, viens regarder et ouvre son haut dévoilant un sein immense et gris je détourne les yeux et les donne à celle qui m’est plus familière

Elle ne les prend pas et me dit seulement que c’est bientôt pour elle aussi et mes yeux en moi-même je regarde cette veine grise palpiter et entourer son visage

Mamanmamancommentçac’estroptôt –les gisants continuent leur chemin vaisseaux errants

 

Tout se fige, c’est l’heure

Des larmes ruissellent entre les dalles

Puis des cendres viennent les remplacer

Je suis là

Et tout ce que j’ai avec moi

Les cendres coulent

Une lune tourne frénétiquement autour de Saturne

Il n’y aura plus rien

Je vous vois ruisseller j’aimerais ruisseller comme vous

Je me viderai de mes larmes sur le plancher froid

Si je peux rejoindre le flot paisible de votre fleuve

Votre mer grise comme vos veines et vos seins

Ceux qui vous ont attrapées à la gorge

 

Mon amour, ça ne va jamais mieux

Je vais-je vais-je vais-je vais

pourrir là sans cendres où me vivre

la tête furieuse de ma mère en exil en moi

 

ça ne va jamais mieux

je vais saigner pour couler le long du cimetière

le long des fleuves jusqu’à la mer

sans jamais rejoindre celles que j’ai perdu

 

et alors ça n’ira jamais mieux

 

 

and im afraid not to please you and im afraid of all the dead bodies wrapped around me

they played never have I ever and that’s when you left me

void of the unsaid

I don’t want you to leave me I will do my best and I try each day to forget the scars falling like flakes

 

 ---

 

and in my dream we all have a giant scar on the left arm that is just about to open…at any time…at any moment…each of us…

Love : you can’t help me

Selfharm : I don’t want you to be wounded

Man : I will catch women in bathrooms to wound them

Women : I will be wounded

Timeless : You’re all be wounded

Selfharm : I will fix everyone

Timeless : fix it on the other side. Girls with scars are waiting for you to bury them

on that first day she hid herself in the sheets so I could not see.

Selharm : I can’t see time

Love : I’m drowning

Women : deathrays coming from above

Man : everyday is the same day

Women : find her

Man : she’ll come to me

Timeless : meet her on the other side

Selfharm : I am not myself myself is dead

Love : you can’t see me

Selfharm : I don’t know where I am

on another day I came home at 4 am. i was not drunk anymore. I looked in the mirror and I collapsed and I woke up minutes later on the bathroom floor.

Love : you won’t you would not im tired of finding

Women : she will say it ! say it

Man : make her silent

Timeless : what did you find Love ?

Selfharm : I don’t remember what she found

Love : I found myself with a plaster

Selfharm : I did it myself

Women : say it for everyone

I woke up on the bathroom floor with a bleeding shoulder and a knife and I went to sleep

Love : next to me next to me next to me

Selfharm : it was an accident

Man : she deserved it

Women : she did not mean it

Timeless : I can’t see you anywhere on any side

Selfharm : I was never here

Love : you cried way too often in front the mirror

Selharm : I don’t cry I’m not here. I’m dead

I did not feel anything at this moment. However it hurts afterwards

Selfharm : I don’t find this that ugly though

Love : I want to be blind

Women : you should hide it

Man : you should hide it

Timeless : you are here.

Selfharm : I can’t hide it there are scars everywhere

Timeless : Talk to me

Selfharm : how to talk with a dead mouth

Timeless : where was the knife

Love : nowhere

Selfharm : I think it is happening again it is opening again

I used to hide a knife from the kitchen in the bathroom, wrapped in a towel, closer to my room, in case of-

Love : Someone has it now

Man : what a shame

Women : what an horror

Selfharm : it is clean

Timeless : is it

Selfharm : I must have cleaned it

Each time I would go to the bathroom to clean the wound and the knife, and stick a plaster on it.

Selfharm : how to say it

how to talk about it

I don’t talk about it

I’m scared and ashamed

(I want no pain anymore)

Love : I still remember you sitting on the couch looking right to your two opened wrists

Selfharm : I’m sorry and I don’t talk about this it never happened.

Love : I still remember you going to class with a huge red wound on your left arm

Selfharm : I feel guilty because this is why you left me.

Love : I still remember you dancing in that black dress with that thought in your mind.

Selfharm : You cried and it made me stay with you.

Love : I still remember you wearing gloves in spring to hide your wrists.

Selfharm : You were too beautiful to hurt yourself too I felt it breaking my heart.

Love : What will you do ?

what i fear the most is that today i still get the logic behind all this and self harm still appear as a solution for me, in case of-

and im afraid

i want no pain anymore

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22 novembre 2016

selfharmaggedon

Au début, Maman a commencé à ne plus savoir écrire. Elle a persisté, m’a écrit tout un tas de messages dénués de sens, et puis finalement, elle a décidé d’arrêter. Elle a arrêté d’écrire, puis finalement elle a petit à petit perdu la parole. C’était comme si son cerveau se désagrégeait devant mes yeux très proches. Tout son corps s’est disloqué jusqu’à tomber dans la boîte bleue qui jonche le plancher. Quand je passe devant je dis bonjour. Tout paraît simple comme ça. L’horreur se mêle à l’indifférence. Moi, je veux le plein contrôle de mon corps : alors quand il s’énerve, je lui fais mal. C’est aussi simple que ça. Je reprends le contrôle. Puis la nuit il se venge. On se bat en permanence. Je suis dépossédée, déjà, si tôt. Au moins, je ne ferai pas comme Maman, puisque je ne parle pas moi, je ne parle jamais. Moi, je reste silencieuse ; dans le meilleur des cas, je vois les mains des amantes s’abattrent sur moi. Sinon j’essaie de hisser difficilement les miennes les araignées veineuses jusqu’à leur visage. Mais jamais mes doigts filandreux ne les atteignent. Je reste loin et je ne fais que regarder leurs constellations s’agiter devant moi. Parfois je suis si heureuse je pourrais mourir. Parfois je suis rattrapée par la trivialité. Tout à coup elles s’évanouissent devant moi. Comme la parole est partie en tâtonnant vers l’obscurité, elles se confondent tout à coup avec la lumière vague d’un jour de novembre. Et là, fendant cette lueur bien pâle, mon amour revient au galop, triomphant, sa lance braquée sur mon cœur, mes yeux rivés sur les poignets. Mon amour est parti comment survivre sans mon amour. Mon amante m’a laissée et plus jamais on ne pourra s’aimer comment ne pas mourir devant cette découverte affreuse. Maman est morte comment lui survivre. Comment vivre orpheline de toute maman et de tout amour. Comment vivre. Sa lance se rapproche. La vie siffle violemment. Sans le filtre de mes mains tendues vers des inconnues, je vois tout. Je vois la mort arriver en tornade.

 

Je crois que je meurs encore ; il n’y a pas un matin où je ne me réveille pas sans un sentiment de tristesse dévorant. Il n’y a pas de mots pour décrire, pour me décrire moi désorientée à chaque réveil, pathétique et bancale, j’ouvre les yeux habitée par une mélancolie insondable. Je sens mon ventre contracté pourtant par quelque chose : le manque. Au-dedans réclame au-dedans, et coupable, griffe et arrache tous les pans de sa prison. Le faire taire par le vide. La famine. Contrairement à ce que je pensais, les journées passent plus vite sans manger. L’état second dans lequel je suis plongée me permet d’éviter toute réflexion, je flotte dans un nuage d’apathie débile jusqu’au sommeil suivant, durant lequel je suis rattrapée par une nostalgie monstrueuse et vorace qui plie mon corps en deux avant de le laisser errer hébété pendant le jour.

Vraiment, je suis triste, et il n’y a rien à faire. Maman aura eu raison de moi et je ne lui en veux même pas. Après tout, les amantes n’ont pas été à la hauteur. Personne ne viendra plus. Il ne passe pas deux mois sans que j’envisage de me tuer. A chaque fois le mal s’exprime d’une manière différente, mais la solution reste la même. C’est dommage de ne pas avoir eu la chance de posséder, caché dans un meuble de chevet, un petit pistolet qui m’aurait bien servi ces nombreuses fois où je me suis réveillée baignée de larmes, accaparée d’un désespoir que j’acceptais sans comprendre. Je n’ai jamais été aussi déterminée à mourir que dans l’accablante confusion de ces moments. Pendant les dix minutes qui suivent ce genre de réveils (dont l’occurrence est d’environ deux à trois fois par semaine) je me sens si intensément habitée par l’envie de mourir que j’ai l’impression d’être surpuissante et de pouvoir tout accomplir, d’avoir tout compris, tout résolu, et que l’évidente solution se trouve juste là, à ma portée, me tuer, enfin. Dix minutes de brouillard jubilatoire rapidement calmées par des contraintes pratiques : Où sont les médicaments ? Ai-je de l’alcool ? Vais-je me raviser le temps que la corde m’étrangle ? A quelle fréquence passent les trains ? En bref, l’euphorie suicidaire rattrapée, comme tout, par la trivialité des choses. De là naît une nouvelle frustration, qui s’ajoute à celle du au-dedans fantasmé et vient compléter une culpabilité déjà omniprésente. A cela s’additionne l’impossibilité de parler de ces matins-là, et le raccourci simple : j’ai mal dormi (ce qui, en soit, n’est pas faux non plus). Un demi mensonge en somme, qui couvre l’horreur de devoir survivre à ces matinées. Dans la nuit, je revis l’échec de mes mains stériles tendues vers les amantes, et chaque matin, au lever, je me vois répéter, dans l’ordre, l’échec de l’action puis celui de la parole. Jour et nuit s’enchaîne le cycle de l’échec le plus total. Les rares moments d’apaisement viennent avec l’épuisement physique qui me berce dans un demi-sommeil confortable, où je rêve à la douleur de la perte sans la ressentir.

Décidément, les matins ne m’auront jamais réussi.

 

« à elle cette chose sans nom à elle

Le dessin même pas de ce qui fut

à elle cette absence à emplir ou

pas de couleurs et motifs choisis

à elle les contours fixés de son

pas posé là-bas à elle l’image à

venir de mon deuil à elle sa vie

dans ma mort à elle toujours

merci à elle »

 

« oh

elle s’est cassée

entre mes bras elle s’est

pas plus et ça juste

en mille mille mille morceaux

elle s’est

cassée

et moi

et moi aussi

oh

comme l’irréparable ils disent

toujours disent l’irréparable

et elle et moi

en mille mille et mille morts »

 

 

il y a quelques minutes que dis-je quelques secondes quelques moi j’étais bien sûr assise là sur le plancher froid et pourtant je n’entendais pas ses craquements j’entendais ceux d’elle j’entendais ses craquements à elle et ses respirations étouffées stériles je me noyais dans mes pleurs ce n’était il y a pas si longtemps pourtant et déjà je me noyais dans mes pleurs et mes yeux nageaient dedans mais il n’y avait pas d’au-dedans il n’y avait plus d’au-dedans ou peut-être n’y en avait-il pas encore je ne sais pas il faisait très chaud en tout cas je me vois de nouveau me répandre sur le plancher et parfois mes mains se hisser jusqu’au piano pour couvrir le vacarme de la mort qui arrive avec ses grands sabots et dans la glace je ne voyais rien d’autre qu’un homme étrange ou la mourante d’à côté qui disait : je vais me tuer je vais me tuer c’est mieux pour toi c’est mieux pour elle je vais mourir et maintenant je me vois c’est moi moi la prochaine tant mieux tu étais si intolérante à mon existence que tu ne pouvais te passer de moi alors bientôt je reviens mes mains pleines du souvenir des amantes je l’étalerai sur le sol et toi tu l’irrigueras de tes larmes moi de mon sang et tout recommencera encore encore encore

 

IM NOT DEAD

THERE IS NO END

 

J’ai rêvé qu’elles s’en allaient ensemble devant moi

Avec les mains que je n’ai pas eu

J’ai pensé que la solution, c’était le sommeil d’Albertine, pour que pendant mes nuits blanches je n’ai pas peur que tu te réveilles sans m’aimer

Mais je nous imagine en organisme béat et dégoûtant

(mon désir)

 

 nostalgie, ma nostalgie : un mal démystifié.

Pourtant la nostalgie, mon absolu, la nostalgie de mon amour celui que j’ai sans cesse essayé de construire au creux du ventre chaud des amantes, là même où j’ai attrapé mon mal mon désir poisseux mon amour aride ma tête coupable chevauchée par mes mains incapables. S’il avait été aussi facile de te retenir que de se glisser au-dedans.

 

« Tout me refoule vers [mon amour], où je ne peux pas aller. Ici, je suis inutile, là-bas –impossible. »

Je vous en veux de m’avoir condamnée à l’errance mais avant tout je me déteste moi et toutes mes mains tendues au lever de la hache des désirs stériles.

Et sans cesse elles repoussent.

 

AIMER L’ABSENTE

 

aimer l’absente

aimer l’absente dans le monde

aimer l’absente dans la maison

aimer l’absente dans le lit

aimer l’absente au-dedans

aimer l’absente partout aimer l’absente toujours se souvenir pendue dans la salle de bain au rythme de son sourire aux échos de sa voix

aimer l’absente jusque dans les fonds des boîtes bleues aimer l’absente son visage au fond de l’eau aimer l’absente poisseuse dans mes bras

aimer l’absente au-delà au-dedans sortir la tête des cicatrices se sortir de la tête partir sur les routes le matin

aimer l’absente les mains collées à soi aimer l’absente d’yeux aveugles aimer l’absente en titubant de ridicule

aimer l’absente qui ne se soucie plus de moi aimer l’absente qui n’a jamais existé aimer l’absente qui est déjà morte

tout couper tout extraire rien ne me libère du vide

mes yeux

 

 

9 novembre 2016

dans les immenses choses les immenses gens

Dans les immenses choses les immenses gens

Un doigt au-dedans, les yeux au-delà

Une étreinte à l’autre

Je rêve d’une fille aux cheveux longs j’en croise une aux cheveux courts

Mon amour parti hurler dans les rues je vous vois je t’étreins sans comprendre

Encore un peu plus de perfection

A perdre

 

Ça va aller ça va tu vas

Tiens toi attrape les grands

Yeux vers les bouches toutes fines

Tiens ses mains tiens encore un peu tiens la nue

C’est ok, c’est ok, regarde-la tiens toi

Tourne tourne yeux tourne accrochée tourne sourire tourne

 

JE VOIS

 

plus près

plus de mots

plus près

je ne me sens plus

je me disloque

sur le plancher plein de cicatrices

je tombe en pièces

une bouilloire hurle

mon amour

 

il faudrait l’arrêter.

 

ADVANCED APATHY

 

Il y a des gens incompréhensibles dans la pièce d’à côté

Des étrangleurs sous les arrêts de bus

Des femmes horribles avec des marques partout partout

Des barbares comme moi enfermés dans leur chambre à contempler les antiques reflets les reflets de la mer les reflets des garçons que je vois à ma place dans le miroir je vois des garçons et des grandes femmes aussi qui viennent me chercher la nuit pour m’étouffer

Je vois les yeux psychotiques de l’autre chambre qui me scrute la nuit

Son bois craque elle vient jusqu’à moi pour me regarder dormir

Est-ce qu’elle sait que je ne rêve plus ?

Ha si

Je rêve d’araignées qui courent et d’hommes qui me poursuivent

Quand je suis paralysée la nuit au moins je bouge le jour

Depuis que maman est morte je meurs régulièrement aussi

Avant je mourrais la nuit je ne respirais plus et je restais là sans pouvoir bouger pétrifiée par ses grands yeux marrons

Maintenant je meurs le jour tremblante et brûlante aveugle muette

A quand la mort entière ? Chaque sphère est pleine de défauts et elles ne se referment jamais comme il faut

Quand l’univers va-t-il finalement se refermer ? Je voudrais mourir nuit et jour pour ne plus jamais revivre.

je n’arrive pas à me rappeler de la dernière étreinte

 

*

 

pourquoi pourquoi sur tes cuisses il y a des cicatrices

c’est pour éloigner les araignées ou les attirer ?

je me recroqueville et je meurs

mes yeux nagent loin de moi

ça devient une vilaine habitude

claquement grincement un bruit sourd

quelque chose s’est brisé

encore encore encore

toujours les mêmes branches je suis la racine qui se régénère sans cesse pour ramper devant

toi

je voudrais me fondre dans le sol et ne jamais apparaître à sa surface

les gens que j’aime vraiment je voudrais qu’ils ne me voient pas

mon amour qui n’existe pas j’espère qu’il ne me verra jamais

secrètement

je voudrais mourir étouffée par ses mains aveugles

involontairement enfouie

plonger

au-dedans

revenir

 

*

 

Comment se remettre de toute l’horreur d’elle

Je me sens de nouveau affreusement coupable de l’avoir regardée de l’avoir touchée et lorsque je te regarde et t’effleure je revois toujours la même culpabilité cette immense lune morte dans ma tête ; et puis je revois aussi les premières cicatrices celle que j’ai découvert au-dedans

Au-dedans : c’est étrange ce sentiment qui me revient maintenant ce vide qui ne peut être comblé que par le au-dedans à cette période j’ai toujours ce goût amer

Je suis seule face à l’immensité vide et je l’imite encore une fois je fais un gouffre de moi

Jamais habité une demeure vide et froide comme tes derniers regards

Je les vois ressurgir de mes orbites parfois crachés à mon propre visage

Ces regards sont partout

Et pourtant je ne te vois jamais

 

*

POST-TRAUMATIC ALL NIGHT LONG

 

Comme toutes comme toutes comme toutes

Plus jamais

Ca

Et maintenant

Quoi ?

 

Je ne te verrai plus tout le temps

J’étais là mais je ne te verrai plus tout le temps

Je ne serai plus là jusqu’à ce que je trouve le sommeil

J’ai senti mon cœur frapper le matelas

Je me suis tenue derrière le piano le temps qu’il fallait

Tout continue toujours

J’aurais aimé me sentir mourir

Mais en te regardant je n’ai même pas senti ne serait-ce qu’une petite agonie

Je m’ennuie maintenant

Tu m’as finalement montré le visage de mon indifférence

Et je m’ennuie

 

Je ne te regarderai plus jamais

Je garde mes yeux près de moi très bien ancrés là

Je ne te verrai plus jamais

A demain

 

 

7 novembre 2016

ici la fin

Je pourrais me tuer là maintenant

Parce que les gens ne s'en soucient pas

Les gens que j'aime dorment sans savoir que je les aime

Mon amour dort sans savoir que je meurs pour elle

Je pourrais me tuer maintenant

Mais je suis si fatiguée

Je me tuerai demain

Ou quand j'en aurai l'envie

Ou quand j'en aurai la force

De précipiter cet esprit si lourd sous un train

Traîner mon corps toujours

Je n'ai aucune raison

Je suis absurde et barbare

Comme mon amour

Soleil cou coupé

 

 Je voudrais tant mourir

Mais on ne me laisse pas

Et pourtant on ne me laisse pas vivre

Je ne suis pas là pour être responsable

Je ne suis pas là pour vous devoir quelque chose

Je veux mourir parce que mon amour ne vivra jamais

Je veux mourir pour rejoindre mon amour morte et jamais vivante

Si seulement tu pouvais me trouver

Je ne serais pas contrainte de te rejoindre

Revenir à toi

Ôter ma vie

Soleil cou coupé

 

Qui peut comprendre

Qui peut sentir ce manque cette faim cette sécheresse

Qui a eu ces douleurs dans le ventre

Personne ne viendra

Personne ne comprend

Ils veulent seulement que je vive pour éviter un trauma

Ils veulent que je vive pour soulager leur existence

Ils veulent que je vive pour ne pas avoir ma mort sur leurs bras

Qui veut que je vive pour moi

Qui veut que je vive pour lui

Donnez moi

Quelque chose

Qui me fait vivre

Je voudrais taillader cent fois mes bras

Mais personne ne comprendrait

Regardez-moi mourir

Puisque vous n'avez pas voulu me voir vivre

Je voudrais taillader mes bras

Soleil cou coupé

 

Tout est si bête

Et pourtant si compliqué

Mon amour est parti

Je ne sais pas s'il a déjà existé

Tout ce que je sais c'est que je ne le rencontrerai pas

Mon amour n'existe pas

Et sa douleur est si réelle pourtant

Près de mon sein

Soleil cou coupé

 

*

 

Mes mains là, elles se baladent devant moi, elle me nargue elles me regardent elle danse devant moi elles ondulent. Mais ce ne sont pas les miennes. Les mains, ce sont les mains des hommes. Ce sont tes mains d'homme ce sont des araignées. Je suis dépossédé je suis barbare je crie devant le miroir parce qu'il y a une femme dedans, je lui crie de venir me voir, je l'appelle cette femme hébétée mais elle refuse de venir.

Il y a

Une lumière rouge une jaune aussi

Il y a une femme

Je ne suis plus là

On me parle mais ce n'est pas vrai

Je suis partie, en fait. Ce qui est là, ce sont les restes de mon corps, d'un corps aléatoire, qui accueille les bribes de mon esprit encore attachées au monde. Moi, je suis morte, je me suis tuée. Quel soulagement, quel apaisement. Je regarde toutes les choses dont je pourrais souffrir depuis la mort, et tout est si lointain maintenant.

 

J'ai vu les étoiles

J'ai vu la nuit

J'ai vu les étoiles briller et j'ai repensé à nous

J'ai repensé à tout le monde

J'ai repensé que plus jamais je ne les verrai, les étoiles

Moi je veux voir les étoiles

Mais je ne peux plus parce que je suis morte

Je me suis tuée on m'a tuée

J'ai pas réussi

A continuer de regarder les étoiles

 

Je me sens partie

Je suis tellement nostalgique

Soudain tout le monde me manque

Toutes les choses que je ne pourrai plus jamais faire

Tous les visages que je ne reverrai plus jamais

Toutes les mains que je ne pourrai plus tenir

Ici c'est froid maman n'est pas encore là avec moi

J'aurais dû rester

 

Tout est si triste

Les choses sont graves

Les choses sont tellement graves et on ne s'en remet pas

C'est pour ça que je suis morte

Tout à coup, je suis moi affligée de toute la tristesse du monde

Je la ressens à l'intérieur

Cette nostalgie dévorante il y a des funérailles dans mon ventre

J'ai un trou béant à la place des entrailles

Pour accueillir toutes les tristesses

Les interminables mélancolies

Et tous tous tous les deuils tous les linceuls opaques sous ma peau

 

Je me sens si triste

Infiniment triste

Je suis triste pour moi

Je suis triste pour vous

Je suis triste pour toutes les choses autour

Je suis triste pour les étoiles

Je devrais pleurer des millions d'années durant pour éponger toute cette tristesse

Infinie infinie infinie je me vide de mes larmes

Je me vide de moi toute entière

Je voudrais me pleurer et me répandre sur le sol

Couler le long des avenues

Couler jusqu'à la mer

 

 *

 

Je suis foutue je suis foutue je suis foutue personne ne peut m'aider personne ne peut m'aimer je veux mourir je veux tant mourir tout est si difficile tout est si affreux

C'est affreux

C'est affreux

Tue moi

Pourquoi je ne me suis pas tuée le jour même où tu m'as laissée

Comment ai-je pu seulement croire quelques secondes que j'allais y survivre

Maintenant on ne se parle plus on ne se tue plus personne ne peut me tuer et personne ne peut comprendre j'ai si mal je me plie en deux je me saigne les bras sans jamais pouvoir mourir

Je répandrai mes larmes je répandrai mon sang

Partout sur le plancher vous me verrez couler ce sera dégoûtant vous allez regarder et puis rideau rideau et sous le rideau des traces ensanglantées des mares salées ma propre mer

Qui s'étend

A perte de vue

Moi

 

*

 

Je suis moi-même mon propre cobaye. Ce soir, je me saigne les deux poignets, appuyée sur la baignoire, c'est gratuit et je me sens partir quand je regarde les filets de sang sur la baignoire. Je suis déjà si loin.

JE SUIS EN COLERE

JE SUIS FURIEUSE JE SUIS FOLLE

JE VAIS

ME SAIGNER JUSQU'A N'EN PLUS POUVOIR

JE VOUS HAIS

JE CRACHE SUR VOTRE IMPUISSANCE

JE MEPRISE VOTRE ESPRIT TROP FAIBLE

JE VOUS ABHORRE ENCORE PLUS QUE JE NE ME DETESTE

 

Qu'on ait pitié de moi

Je veux qu'on me prenne et qu'on me serre

Pendant que je me vide de mon sang

Je veux que l'on prenne mes deux mains ensanglantées

Pour les poser sur un visage chaud

Je veux qu'on tienne mon corps mort

Et qu'on le pleure

Madonne

 

Je laisse aller les choses les gens je ne vous retiendrai plus

 

Comment exprimer la tristesse infinie autrement qu'en mourant ?

En mourant de tristesse

Si je meurs c'est de désespoir un puits sans fond de tristesse de larmes que je ne peux plus pleurer

Il faudrait que je pleure pendant tant d'années

9 octobre 2016

Et comme l’Espérance est violente

Et comme l’Espérance est violente

 

 

Tu dis « tu as à tant de choses à offrir, mais pas à moi. »

Tu ne comprends pas. Les choses que tu vois ont germé pour toi. Dans la forêt stérile qui me sert d’Amour, j’ai planté des arbres écarlates, qui, abreuvés par tes mots, poussent plus haut que les mauvaises herbes. Mais ils ne sont pas là pour quelqu’un d’autre. Je n’ai rien à offrir aux autres. Si elles ne sont pas pour toi, ces choses n’existent pas. Tu les as fait naître et tu les feras mourir, là est ton pouvoir, là est ma dévotion. C’est l’image dévorante de l’agonie, des racines sèches et des branches coupées qui agite mes mains pour t’empêcher de partir. Ce sont les arbres écarlates, fébriles, qui ancrent leurs racines toujours plus profondément à l’arrivée de la tempête. Mais il y a des choses que les mains tremblantes ne peuvent retenir. Seule, je continuerai de verser sur leur sol les larmes amères de la perte, pour ne pas les laisser mourir comme je t’ai laissée partir.

 

*

 

Lorsque le coup de tes paroles vient s’abattre sur ma poitrine, je voudrais ne pas pleurer. Je voudrais devenir une ombre, glisser contre toi, tomber à tes pieds, m’enrouler autour de tes jambes. Je voudrais vivre dans ta lumière, les yeux grands ouverts et le corps léger, moi ombre et toi soleil, je serais la bête ronronnante qui berce ton sommeil sans jamais le troubler de mon existence.

Quand sonne le moment de la dernière nuit, je coule sur toi comme un mauvais rêve.

 

*

 

Les Nocturnes

Il n’y aurait pas besoin de mots. Il n’y a plus de mots. Il y a seulement mes yeux vers toi. Il y a seulement la courbe de ta bouche, qui muselle les battements de mon cœur. Il y a seulement ma gorge nouée. Il y a seulement un unique désir dans mon esprit : continuer, encore un peu, à dessiner les motifs de mes sentiments sur ton dos nu. Dans l’obscurité de ma chambre, de la tienne, je compose sur ton corps la balade de mon désir, la valse de mon cœur et la messe de mon amour.

 

 

How could you run from me now?

The loneliest chime in the house

The loneliest chime in the house

You let it out you let it out

Come to me Calvary still I’m weeding and raking until

I’m bleeding in spite of my love for you

It bruised and bruised my will

Counting alluvial plains

The breathing inside of the range

You touched me inside of my cage

Beneath my shirt your hands embraced me

Come to me feathered and frayed

For I am the ugliest prey,

For I am the ugliest prey

The owl, the reckless reckless praise.

 

*

 

Si on allait quelque part ? On s’encombrerait pas de “je t’aime” dans nos valises. J’en porte déjà le poids conséquent dans mes yeux. On irait quelque part ensemble, avec ceux qui voudront nous accompagner, on se perdra le long des sentiers, pour que nos lèvres se retrouvent sur le chemin de la certitude. Comme un cycle infini, on pourrait s’attirer puis se repousser, liées par la seule envie que nos mains se rejoignent, nos mains libres, allégées du poids des mois du poids des mots. Je voudrais t’emmener quelque part, ce serait tout nouveau, je voudrais te voir sourire je voudrais voir ton sourire vers moi, même s’il ne m’est pas destiné.

J’aimerais tenir dans ma main la sphère translucide de mon amour, pour te montrer à quel point pour toi il est si simple, sa surface lisse, sa courbe parfaite, un amour comme je n’en ai jamais fait auparavant. Dans la nuit, il brille au souvenir de tes yeux.

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27 juillet 2016

Récitatif x

Récitatif x

 

Le barbare se réveille dans l’hôtel, sans masque, sans yeux, juste une immense bouche. Sur son épaule, le petit arracheur de dent est là, avec une pince. Le barbare se lève, va arroser la baignoire pleine d’arbres. Un temps. Il semble ensuite remarquer le public, regarde vers la caméra, son arrosoir en main.

B : Les arbres dans la baignoire ne sont que des corps de femmes. Leurs têtes coupées, flottantes, s’amusent à venir me narguer la nuit. Dès que j’essaie de les saisir dans mes mains, de toucher leurs joues roses, pincer leurs longs cils, elles nagent loin de moi. Il n’y a plus de femmes nulle part maintenant, plus d’opaques, plus de claires, seulement des ombres partout. Mais moi, je veux des femmes ! Je veux saisir leurs têtes entre mes doigts, sentir leurs cheveux contre moi. J’arrose leurs arbres et alors maintenant je suis heureux. Heureux béat édenté abruti déformé aveugle. Cela fait longtemps que je ne me sens plus. Le froid de l’orbe bleu ne perce même plus mon corps. J’épouse son regard glacial comme si c’était le mien. Je ne languis plus, je brûle et je sèche dans les larmes. Avant, vous me voyiez crier dans les rues, le long de la murette, dans les cous mordus des femmes. Vous ne m’y verrez plus ; je suis sage maintenant, impassible et glacial. Mon humeur tombe sur ma vie comme un frimas sur la plage, un voile devant mon visage. Et je ne cours plus maintenant, je ne crie plus dans les rues vous savez. Je suis poli et lisse, j’attends dans ma chambre que l’on entre sans frapper, je hoche la tête souvent, je souris quelques fois, et ensuite on me laisse sans fermer la porte. Je ris au bruit incessant des autres et tolère leurs souffles grotesques. Il n’y a pas de raison d’avoir peur, ne pensez plus à avant, vous pouvez me suivre. La ville est jolie, je peux vous la faire visiter. Il y a, un orbe bleu…des néons bleus. L’enceinte principale est un bar aux lumières bleutées qui s’appelle La Plage. Je fais souvent des visites avec le petit arracheur de dents, il accompagne mes paroles en prenant quelques fois mes dents. Je ne m’en lasse pas, j’aime vous montrer notre magnifique ville bleue. Le soleil ne se lève plus en revanche ; il est parti au moment où les femmes ont eu leurs cous coupés. C’est notre particularité locale. Je vous en prie, suivez-moi.

27 mars 2016

Projet

Section I

La section I se présente comme une sorte de prélude, introduction à la violoniste, qui sert de point de repère dans tous les décors. Pose la mer comme centre et l’eau circulant tout le long des sections. Se déroulant entièrement dans la nuit, la section I prend un aspect décousu et fantasmagorique.

01

La violoniste est allongée sur le sol bétonné, face à un bar vide. Les étoiles luisent, et deviennent rouges.

V : Eh…Vous me faites peur à rougeoyer comme ça. Je n’arrive plus à dormir…

Les étoiles, vibrantes : Rouges ! Rouges ! C’est tout nouveau.

V : Pas tellement. Il y avait l’orbe rouge aussi. Le rouge, ça prend trop de place. Il avalait le jaune, tandis que le bleu avait l’air bien pâle à côté. Ca me fait peur, le rouge.

Les étoiles : Le rouge, pourtant.

V : C’est inhabituel.

Les étoiles : C’est la ville.

V : La mer n’est pas loin.

Les étoiles : Du sable seulement.

V : Je vous assure qu’elle est là. Je l’entends. Noire, ou bleue.

Les étoiles : Le rouge, pourtant.

V : Elle est tranquille, le vent n’est pas encore levé, à cette heure-ci.

Les étoiles : C’est un prédateur.

V : Une tentatrice. Elle appelle, en permanence. 

Les étoiles : Elle hurle, affamée.

V : Je l’entends clairement. Je voudrais frémir comme elle.

Les étoiles : Le rouge, pourtant.

V : Je vous sens brûler.

Les étoiles, vibrant encore plus intensément : Il faut brûler.

V : Noyer ?

Les étoiles, s’approchant : Consumer.

La voix des étoiles se fait plus grave. Elles deviennent immenses et fébriles, chantent. Une litanie profonde et distordue. La violoniste, vaguement angoissée, se relève difficilement et part, écrasée par le poids des étoiles.

 

02

La violoniste dans la salle de bain, dans la baignoire, sous l’eau, qui est en train d’être évacuée. Un moment. L’eau lui arrive aux chevilles, elle est recroquevillée, les genoux contre la poitrine. L’eau a fabriqué une silhouette, assise en face d’elle, dont on ne voit pas le regard, jamais.

V : Je t’aime.

Silhouette : Tu es un monstre de désir dévorant.

V : Je veux seulement plonger en ton ventre. Je veux disparaître. Je t’aime. Je veux plus jamais que tu ne me voies. Je ne veux pas que l’eau s’en aille. Allez, reviens. Elle prend les mains de la silhouette, elles sont étrangement chaudes. Il n’y a que l’eau froide pour glacer la plaie de mon front. Je vais en faire couler, l’eau glisse déjà tout le long de mon nez, de mes joues. Elle frôle la silhouette en essayant d’atteindre le robinet, convulse, crache un énorme papillon rouge dans sa main.

(chœur : J’ai rêvé de la baignoire et de l’eau et j’ai retrouvé ce goût amer c’est étrange de s’en souvenir maintenant.)

La violoniste sort précipitamment en laissant derrière elle le papillon, tremblotant.

 

03

A la mer. Au loin, le bourdonnement des étoiles.

(chœur : Si seulement ce bruit incessant pouvait s’arrêter. Je vois l’os percer la peau, sortir doucement et flotter, les mains mortes ne se rejoignent pas. Laissez moi me vider lentement, je laisse mes mains là, elles vous attendent ; mais pour le moment, je ne veux que personne ne vienne contempler les orbites creux des milliers d’yeux qui coulent le long de tout mon corps, les miens nagent loin de moi…J’ai honte de moi je voudrais ne plus rien voir je voudrais que l’on arrête de me parler du jour au lendemain que l’on ne pleure plus je ne veux plus vous voir pleurer la vie est trop lente pour supporter vos pleurs je suis au bout qu’on m’achève enfin si tout ce qui arrive n’est là que pour me rappeler la douleur de la perte, les cous coupés à la racine les yeux foncés plongés dans le vague la mer qui ne me parle plus. Je n’entends plus rien.)

Le matin arrive.

 

Section II

La section II constitue le retour au jour, donc à quelque chose de plus construit. Les personnages rencontrés sont de réelles personnes, avec l’intervention de Julia, du barbare et d’autres. Cadre plus réaliste d’un bord de plage lambda qui évoque tout de même la même inquiétude cauchemardesque de la nuit. Faits divers ; le viol de Julia.

 

01

V. se réveille sur la plage, va s’asseoir sur la murette, regarde les silhouettes passer, claires. Soudain, une femme opaque arrive ;  c’est Julia.

V : Pourquoi transgresser ainsi ? Votre opacité n’est pas réglementaire, vous ne pouvez pas vous fondre avec la mer. Ils vont vous trouver, et vous engloutir.

Julia : Ce n’est pas volontaire et vous n’êtes pas claire non plus ; je ne vous dois rien.

V : Certes, mais il n’y a donc que dans mes yeux que vous pourrez vous regarder. Les autres gisent au fond de la mer, des regards partout, sous l’eau, des cités merveilleuses et inaccessibles, des Atlantides. Mes yeux sont tout opaques pour vous, vous vous y plairez, dans mes yeux, je vous assure. Vous y serez logée comme une reine.

Julia : Leur fond est-il vertigineux ?

V : Suffisamment profond pour vous y retenir.

Julia : Soit, je veux bien habiter dans vos yeux, mais je me réserve le droit de tomber au-dehors, si je ne suis pas bien servie.

V : Il ne faut pas vous en faire ; ils ne vous laisseront pas. Avant, ils partaient en voyage, maintenant ils sont plus calmes. La douce lumière du soleil gris les fait parfois vaciller, et ils pourront ainsi vous bercer au son des vagues, pendant que moi, je… Un homme opaque passe en hurlant. Il a un masque rouge et bleu, le torse nu, des cicatrices.

Julia : C’est lui ; c’est lui qui m’a donné mon opacité !

V : Voulez-vous courir ?

Julia : J’ai le dos bien trop lourd pour cela. Elle désigne, sous son manteau en fausse fourrure, des bosses sur son dos.

V : Suivons-le seulement alors.

Elles partent en suivant les cris du Barbare.

 

02

Après s’être orientées en suivant les cris du Barbare, V. et Julia se retrouvent devant un grand hôtel, miteux et presque menaçant. Elles montent à l’étage des chambres, après avoir trouvé la réception vide.

V : Je n’entends plus rien. Il ne doit y avoir personne ici.

Julia : On l’a perdu ! C’est fichu, je ne retrouverai jamais le clair. Je me sens si mal, opaque, impénétrable comme cela. Je dépéris, je veux que ma statue soit assise sur la murette, dos à la mer.

V : Je m’appuierai contre votre dos, pour regarder la mer, alors.

Julia : Mon dos est impraticable. Depuis quelques temps, il n’arrête pas de planter de petits poignards dans sa chair, c’est infime, mais incessant. Je sens les petites mains noires grouiller et venir s’abattre contre moi, en permanence. Les petites plaies à vif sont vraiment laides. Je voudrais plutôt m’ouvrir comme un gouffre béant, plutôt que de multiplier les crevasses.

V : La blessure originelle, je crois qu’elle se situe par ici, au fond, à gauche. On devrait peut-être s’y rendre.

 

03

Guidées par l’intuition de la violoniste, elles se rendent dans une petite chambre au fond du couloir, ouvrent la porte sans frapper. Une scène silencieuse se déroule alors devant elles, deux silhouettes y prennent part.

V : Que cache cet homme masqué sous lui ? Il est bien trop imposant pour apercevoir ce qui gît sur le lit.

Julia : Une femme, une toute petite femme, minuscule.

V : C’est ennuyeux, elle ne se débat même pas. Elle a les cheveux roux, comme toi, on les entrevoit en se penchant légèrement. Elle lui griffe le dos, sa tête enfouie dans son cou. J’ai peur qu’il la casse tout de même, elle est si maigre.

Julia : Ca gronde dans mon ventre, mon bassin. J’entends déjà presque le…

Un craquement sinistre. Le Barbare ralentit.

Julia : Je veux mourir.

Le Barbare se relève, part en passant au travers de V. et de Julia dans l’embrasure de la porte. La minuscule femme se relève fébrilement, pour se préparer à sa petite mort, qu’elle effectue rapidement, allongée sur le lit, dans lequel elle s’enfonce et disparaît sans laisser aucune trace.

V : Je veux dormir.

04

Julia et V. ont pris place dans le lit laissé par les silhouettes. Délestées de leurs manteaux, elles se glissent sous l’immense couette, leur seule tête sortant. On entend les légers « tac ! » des poignards de Julia ; mais cela ne trouble en rien son sommeil.

V : Tu dors ? Elle dort. Je suis toute seule maintenant, et je ne veux plus dormir. Tant pis, pas de quoi la réveiller. Tac. Je suis contente qu’elle soit opaque avec moi. J’avais peur de mourir seule, étranglée au dessus de la mer. Tac. Elle fait beaucoup de bruit, quand même. D’où vient cette mécanique ? Elle se rapproche de Julia, met sa tête contre sa nuque, l’entoure d’un bras, tend l’oreille. Je crains les cicatrices sur les bras et sur les cuisses, puisque c’est dans celles-ci que reposent les mauvaises graines, dont les herbes grandissent très haut. Mais sa peau est lisse, c’est irréel, une plaine parfaite comme celle-ci. Tac. Les petits poignards sont dans son dos, c’est pour cela. Je veux voir les crevasses. Elle disparaît sous l’immense couette. Les petits poignards se sont cachés lorsqu’ils ont remarqué une présence étrangère. Les plaies rougeoient dans le noir. V. les effleure, perplexe, pensive. J’ai toujours pensé que les plaies étaient bleues et que de l’eau en coulait en permanence. Quel cas bizarre ! Quand mon front s’ouvre, c’est une lame de glace qui s’y trouve, pas une petite plaie rouge et menaçante. Julia est vraiment spéciale ; je ne la laisserai pas tomber du haut de mes yeux, ça, c’est sûr, elle y restera imprimée, même partie. Quand je caresse son dos, je sens une chaleur familière, je l’ai peut-être déjà rencontrée ; mais voilà maintenant que j’entends un grondement étrange, le monstre se réveille en mon ventre, il s’agite un peu : ce doit être l’heure de dormir, de le calmer. V. se recroqueville contre Julia, ferme les yeux. Le grondement devient plus important, et s’échappe de son ventre. Elle ouvre brusquement les yeux, aggacée, et n’arrive plus à distinguer le dos de Julia, seulement des lueurs rouges, brillants dans le noir, sous la couette. Où suis-je ? Pourquoi ces lumières vibrent-elles comme ça, mais taisez-vous, j’essaie de dormir ! Arrêtez de chanter comme ça ! Où est Julia ? Où est la mer ?

Les étoiles : Rouges ! Rouges !

V : Non, laissez mon sommeil bleu, dans mon été bleu, au milieu de mes arbres bleus, sur le chemin près du lac bleu. Je les vois scintiller en fermant les yeux parfois…

Les étoiles : Le rouge, pourtant.

V. est engloutie par le rouge, dont la chaleur l’enveloppe, et l’endort profondémment.

 

Section III

V. se réveille en pleine nuit, dans un berceau immense, les Succubes sont penchées sur elle. Après une discussion, V. se réveille le matin près de Julia, des mains lui ont poussé sur la tête, tandis que ses yeux sont allés nager. Julia, elle, est devenue toute petite et ne cesse de rétrécir. La section III marque le début de la déchéance des deux personnages, qui ne peuvent survivre dans l’opacité. V. deviendra un Agcheis, un monstre marin, tandis que Julia se sera fondue en elle-même, formant une petite boule noire compacte. La section III est la dernière, soutenue par une petite Section IV, sorte d’outro comme la première était une intro, montrant le retour à la mer de V. désormais seule.

 

01

V. se réveille en sursaut. Dans le noir, elle distingue les Succubes, trois femmes aux longs cheveux noirs, penchées sur elle, avec des yeux noirs, creux, vides ; elles la regardent sans expression particulière. Le lit est devenu une sorte de berceau, allongé et replié sur V.

V : Je suis morte ? C’est mon cercueil ? Je pensais que la mort était violette. Là il fait bien sombre. Elle remarque les Succubes et se fige. Montrez-moi vos visages. Je veux voir vos visages.

Les trois Succubes se penchent ensemble sur le berceau, elles regardent V. qui se débat vaguement, et parlent entre elles dans une langue incompréhensible, comme si elles parlaient à l’envers. La lumière d’un lampadaire clignote et s’allume finalement au dessus de V.. On ne voit toujours pas les visages des Succubes, qui s’élancent bien plus haut que le halo de lumière. Sur les murs, quelques photos.

V : Je reconnais tous ces endroits. Mon visage est censé être partout et pourtant il ne se trouve nulle part. Il devrait être enfoui dans son cou, et pourtant…(elle s’approche) ce n’est pas moi. Il l’a été un jour, il me semble, cela remonte à quelques jours…Ou peut-être était-ce quelques mois ? Il faisait une chaleur étouffante, dans son cou, c’était une jolie forêt tropicale, j’aurais bien aimé y refaire un tour, mais là, vous voyez bien…(elle jette un nouveau coup d’œil à la photo, avec un faible espoir qui s’éteint rapidement) Non, non ce n’est pas moi, je suis formelle. Ca me noue l’estomac, de n’être toujours que l’Autre, vous savez. Même dans l’Opacité, je ne peux croire mes yeux, regardez comme ils me trahissent…Ils reflètent toujours la même perte, et ensuite ils s’en vont, ils errent d’une sphère à l’autre, et chacune contient tout le tragique de leur quête, qui se définit par son inachèvement…Je voudrais être une sphère parfaite comme celles que j’explore, je voudrais me refermer comme elles. Que mon corps imite leur courbe, que l’Ouroboros soit scellé. Au lieu de ça, je reste la plupart du temps dans le noir, à attendre que mes yeux arrêtent de nager loin de moi. Un corps, c’est une mécanique complexe, vous savez, c’est un peu comme traîner un mort...Une masse pourrissante sans cesse avec soi…

Les Succubes s’agitent, agacées du monologue.

V : Si seulement je voyais vos visages. Mais ils sont tous au fond de l’eau. Tous…

V. commence à trembler. Les Succubes tombent alors doucement sur elle, comme trois grands voiles noirs.

 

02

V. se réveille près de Julia. Ses yeux sont partis nager.

Julia, face à elle, lui touchant le visage : Tu m’avais pourtant dit qu’ils ne vacillaient plus. Et là, ils sont partis. Je ne sais plus où est mon visage, alors. Ni même s’il est Opaque, Clair ou quoique ce soit.

V, confuse : Ils vont revenir je pense enfin je crois ils ne devraient pas tarder, ils sont seulement allés plonger un peu, il fait beau je crois. Elle regarde vers les murs sans fenêtres.

Julia, au son des petits poignards : J’ai eu tort. Dès que qu’il a brisé mon corps pour le faire entrer dans l’Opaque, c’était fini. Pourtant, j’avais vu la Lutte : elle m’a dit « ce n’est pas perdu d’avance » pendant que le Miroir disait « Tu es une carcasse ». C’est pas très triste, c’est pas très glauque, c’est froid et ça sent la cigarette comme cette vieille chambre d’hôtel.

V : On peut s’occuper en attendant que mes yeux reviennent. Elle tend la main vers Julia pour l’enlacer. Julia se recroqueville. Pas comme ça, je ne voulais rien faire de tel...Parfois mes mains grandissent et courent sur le sol, aveugles, pour chercher un refuge…Mais Julia, ce n’est pas comme ça. Julia ne sort pas la tête de ses genoux. Elle a la couette sur les épaules, et semble rétrécir.

Julia : Il n’y a plus que des mains partout maintenant des mains immenses et une voix grave qui me dit des choses que je ne comprends pas.

V sort en trombe de la pièce.

 

03

V. court dans le couloir de l’hôtel, où elle tombe nez à nez avec un grand miroir en pied. Elle s’écroule devant. Les yeux vides, des mains lui ont poussé sur la tête.

V : Une nuit dans la ville,

les Succubes penchées sur mon berceau,

Me font pousser sur la tête

Des mains immenses et terribles

J’essaie de regarder à l’intérieur mais je ne vois rien. Au-dehors, des formes et des couleurs sans aucun sens. J’entends le train. Les sphères brillent dans le ciel nocturne, il vient pour moi, il vient me tomber dessus, sans aucun doute, c’est l’Univers qui se referme sur moi, enfin.  V. remarque les mains penchées sur son visage. Ce ne sont que mes mains…les miennes ? Les leurs ? Juste des mains, des grandes mains noires, comme la plupart des mains. Elles sont plus fines. J’entends leurs doigts minces trépigner sur mon crâne, des grandes araignées, des faucheux maladroites, leur bruit est assourdissant ! Elles courent vers Julia ?

V. retourne rapidement dans la chambre.

 04

V entre dans la chambre, ne trouve personne dans le lit. Affolée, elle ouvre une petite porte sur le côté : la salle de bain. Dans la baignoire se un gigantesque arbre noirâtre, sans feuilles, qui prend racine dans le minuscule corps de Julia, qui gît sur le ventre, recroquevillée.

Julia : Je crois qu’il est temps d’enfiler la petite robe noire. Et d’élever le plafond. Les mauvaises herbes grandissent très haut.

Les mains de V. frémissent. Julia s’immobilise. Le barbare, qui travaille apparemment comme groom, apporte la petite robe noire à V., qui l’enfile rapidement, entame une valse avec lui, assez grotesque puisque personne ne sait vraiment danser la valse ici.

 

Section IV :

 

01

V. a plié quelques affaires. Elle les pose sur le lit. Elle va dans la salle de bain. Elle regarde l’Arbre-Julia. Il serait joli, au bord d’un lac, le long du chemin, si seulement elle avait eu le temps d’en semer les graines là-bas… Ses yeux ne sont toujours pas revenus. Les orbites ont été envahis par le bleu, qui dégouline un peu sur ses joues. Elle s’endort assise au bord de la baignoire.

 

02

V. se lève. On ne sait pas si elle est éveillée ou somnanbule, elle marche comme guidée par un fil invisible jusqu’à la mer. On la voit sortir de l’hôtel, traverser la route, enjamber la murette, et aller au bord de l’eau.

(chœur : Comme la vie est lente. Mon corps s’est brisé pour épouser tes formes, et maintenant face au ciel, il écoute la litanie des étoiles qui vibrent et rougeoient. La lassitude est immense ; L’histoire ne se finit jamais elle est une permanente question. Probablement…Les mains tremblent dans la plus grande des douceurs, il faut se laisser mourir tant qu’il en est encore temps, il faut aller sur la plage et quand on te dit « meurs », tu meurs ; c’est ça l’important. J’ai rêvé de la baignoire et de l’eau et j’ai retrouvé ce goût amer c’est étrange de s’en souvenir maintenant, les mains trop lourdes de sang entassement de veines ne peuvent s’élever vers ton visage et la tête lourde n’est pas assez bien pour ton esprit. Ecarquillez-moi les yeux jusqu’à ce que je comprenne enfin qu’il n’y a que la mer la mer immense au fond des regards la mer immense et vide le tourment la grisaille et le silence comme l’Après. Je voudrais pleurer de longues larmes rouges et chaudes pointues comme des couteaux comme quand les mains griffent le dos de Julia, aussi acérées et agressives, celles qui laissent des cicatrices. Je me souviens quand tu étais là et ça grondait, il s’élevait en moi le monstre dévorant du désir tout entier…et puis le vide et puis maintenant je ne sais pas, peut-être les yeux lourds vont-ils finir par se fermer il n’y a rien à faire il n’y a rien à dire, pas plus qu’avant.)

 

03

V. est assise dans le sable. Quelques silhouettes émergent de l’eau, des androgynes à la peau bleu-grise, avec de longs cheveux qui ondulent dans leur dos, des yeux vides. Ils sortent de l’eau, rampent jusqu’à V. Un premier vient se coucher sur ses genoux, un autre vient se presser contre son dos, et un dernier pose sa tête sur son épaule. Grand silence. La mer semble devenir un peu plus grise, un peu plus silencieuse. On entend aucun bruit de vague. Les trois créatures poussent doucement V. à se coucher sur le sable, et s’allongent à ses côtés. Finalement, comme dans une danse étrange, elles la couvrent de leurs bras, puis de leurs corps. Un temps. La nuit tombe. Les créatures reviennent vers l’eau en s’éloignant les unes des autres sans un mot, un geste particulier. Chacune semble tenir contre elle quelque chose. La plage est déserte. Les étoiles rougeoient brutalement, avant de se calmer, et de devenirdes lumières bleutées, naines blanches et astres froids. Une immense étoile rougeoie cependant haut dans le ciel, entourée par la lumière calme d’une sphère jaune vibrante à sa gauche, et la faible lueur d’une autre sphère, bleue, vacillante.

6 janvier 2016

Comme la vie est lente

Comme la vie est lente. Mon corps s’est brisé pour épouser tes formes, et maintenant face au ciel, il écoute la litanie des étoiles qui vibrent et rougeoient. La lassitude est immense ; L’histoire ne se finit jamais elle est une permanente question. Probablement…Les mains tremblent dans la plus grande des douceurs, il faut se laisser mourir tant qu’il en est encore temps, il faut aller sur la plage et quand on te dit « meurs », tu meurs ; c’est ça l’important. J’ai rêvé de la baignoire et de l’eau et j’ai retrouvé ce goût amer c’est étrange de s’en souvenir maintenant, les mains trop lourdes de sang entassement de veines ne peuvent s’élever vers ton visage et la tête lourde n’est pas assez bien pour ton esprit. Ecarquillez-moi les yeux jusqu’à ce que je comprenne enfin qu’il n’y a que la mer la mer immense au fond des regards la mer immense et vide le tourment la grisaille et le silence comme l’Après. Je voudrais pleurer de longues larmes rouges et chaudes pointues comme des couteaux comme quand les mains griffent le dos de Julia, aussi acérées et agressives, celles qui laissent des cicatrices. Je me souviens quand tu étais là et ça grondait, il s’élevait en moi le monstre dévorant du désir tout entier…et puis le vide et puis maintenant je ne sais pas, peut-être les yeux lourds vont-ils finir par se fermer il n’y a rien à faire il n’y a rien à dire, pas plus qu’avant.

 

Il y de courts enthousiasmes et d’interminables mélancolies.

 

J’ai couru dans les ruelles sombres dans la nuit avec l’imposante citadelle flottante dans le ciel, qui me regarde de ses phares et s’appuie telle un lourd bagage. La mer ne fait plus de bruit, et j’ai peur que la masse noire des armures ne se soit déjà abattue sur moi ; j’ai peur que déjà n’ait été prononcé le début de mon exil…Le souffle qui s’écrase sur moi quand tu m’embrasses est déjà beaucoup trop violent pour les mécaniques rampantes de mon corps, je crois que je ne suis pas encore prête, prête pour déplier les araignées mortes de mes mains, prête pour tendre mes lèvres mordues, il n’y a rien à tirer de toutes ces ficelles noirâtres. La nuit dernière, j’avais envie de lui envoyer à mon tour un petit message : « J’ai vomi, un papillon. », pour lui raconter, il était rouge et énorme, mais elle l’aurait écrasé, ce papillon, j’ai si mal de dire qu’heureusement qu’elle n’est pas là pour me voir. J’ai pleuré tous les soirs qu’il fallait, j’ai fait du mieux que j’ai pu, elle ne me voit pas tout rater mais elle me verra échouée sur les rivages gris et silencieux, sans pouvoir bouger sa loque de corps. Beaucoup trop d’yeux et pourtant rien à voir par ici.

Si seulement ce bruit incessant pouvait s’arrêter. Je vois l’os percer la peau, sortir doucement et flotter, les mains mortes ne se rejoignent pas. Laissez moi me vider lentement, je laisse mes mains là, elles vous attendent ; mais pour le moment, je ne veux que personne ne vienne contempler les orbites creux des milliers d’yeux qui coulent le long de tout mon corps, les miens nagent loin de moi…J’ai honte de moi je voudrais ne plus rien voir je voudrais que l’on arrête de me parler du jour au lendemain que l’on ne pleure plus je ne veux plus vous voir pleurer la vie est trop lente pour supporter vos pleurs je suis au bout qu’on m’achève enfin si tout ce qui arrive n’est là que pour me rappeler la douleur de la perte, les cous coupés à la racine les yeux foncés plongés dans le vague la mer qui ne me parle plus. Je n’entends plus rien. Tu aurais dû m’étouffer au berceau de ces sentiments affreux et inhumains j’ai eu tort de résister le sable aurait tout balayé je n’aurais même pas eu besoin de sauter par la fenêtre. Si tu savais ce que je suis devenue.

Je suis inutile. Va t’en. Arrête de t’acharner. Tais-toi et pars.

Comme l’espérance est violente.

14 octobre 2015

je suis revenue

« Tu n’es pas venue que pour ça, hein ? »

Je reste silencieuse, regarde mes pieds, baisse la tête jusqu’à cacher complètement mon visage. Il se penche, son petit polo jaune lui faisant un pli marqué au ventre. Tenant ses lunettes à une main, il sort de sous le banc une vieille peluche et me la tend.

 

 

Cris d’enfants. Je secoue la tête un coup, regarde le même homme que celui que je viens de voir sur le banc, lui sourit et part avec la personne que j’attendais dans la cour. Ce n’est pas ici. Je me suis trompée d’endroit. Je traverse, et vais vers le bâtiment d’en face. J’entre, bousculée par quelques enfants. Une foule de petits yeux perçants se pose sur moi lorsque je parcours la pièce. Ces yeux, je les connais, je les ai déjà vus auparavant. Ils étaient là dans mon enfance, et posaient sur moi un regard cruel, comme la plupart des regards d’enfant. Maintenant, ils sont devenus lisses, figés. Ils gèlent le temps et scrutent le vide. Je les surplombe et les reconnais, tous.

Une première entrevue tout à fait banale. J’aperçois au loin une silhouette que je souhaitais voir depuis longtemps ; j’accours. Elle est si grande ! Elle me regarde, depuis là-haut, avec ses cheveux courts et noirs et son sourire bienveillant et sa belle peau mat. Ses yeux foncés sont interrogatifs.

« Vous vous souvenez de moi ? »

Je la regarde avec des yeux tendres et pleins d’espoir candide. Je vois mon reflet dans les siens, passée la barrière de ses longs cils. Je lui énumère tous mes camarades, qui sont là, dans l’autre pièce, figés dans l’enfance, une masse contemplant en elle-même l’absurdité de son existence. Elle bat rapidement des cils, cligne 4 fois des yeux et se souvient ! Elle me demande des nouvelles de ces camarades. Elle m’interrompt avant même que je n’ouvre la bouche.

« Tu as entendu la nouvelle ? Celle-ci, elle est avec une fille. »

Je hausse les épaules en souriant, avec ce sentiment de joie lointaine pour cette personne que je ne reverrai sûrement jamais. Voyant mon absence de réaction, elle me tourne le dos, marche en rond pendant quelques minutes, comme prise d’un délire :

« A cet âge là, c’est un peu tôt pour faire des choix. On ne peut pas vraiment. On ne sait pas. On a le vertige, on tangue d’un côté puis de l’autre avant de tomber dans l’abîme infini de la culpabilité. C’est une rupture. Une rupture, entre ces jambes si fermement accrochées au sol et cette tête si lourde de sentiments qui pend librement dans le vide. C’est quelque chose qu’on lui a pris, si tôt. On ne le lui rendra jamais, c’est la douleur de l’hymen déchiré, oui, c’est ça. »

Elle fixe ses yeux sans lumière sur moi. Si tristes.

« C’est un déchirement. »

Le verre qui vient de se briser en moi résonne. Déstabilisée, je vacille et lui dit rapidement au revoir avant de sortir rapidement de l’édifice. Sous le banc ? C’est là ? Il faut que j’aille là-bas, il y a quelque chose pour moi, apparemment. Je me dépêche. Je vois quelqu’un extraire quelque chose de sous le banc. La peluche est là. Je lui presse de me la donner. Elle est noirâtre, sale, et je vois sous le banc un petit rat s’agiter et s’en aller. Je serre la peluche contre ma poitrine. Elle est chaude et douce, malgré tout. Il y a des choses qu’il ne faut pas oublier.

18 août 2015

La nuit d'avant

« Il y a, dans le ciel, une immense boule rouge foncé, qui semble brûler paisiblement. Une autre, or, qui flotte à son opposé. Une bleue finalement, au dessus de la mer. Comme trois lunes étranges, ces dernières éclairent la nuit d’une lumière surnaturelle. Tu m’avais dit : pas ici. Pourtant nous y sommes, et c’est la dernière nuit.

-Comment peux-tu t’avancer ainsi ? Ce n’est peut-être pas la dernière.

-Alors, explique moi ce qu’est l’étrange lueur, là-bas, au loin. On dirait un dôme, sur la montagne, et des étoiles en jaillissent dans tous les sens.

-C’est le village sur le montagne, tu ne vois pas bien.

-Ha oui, le village. La lumière le ferait presque disparaître. Il irradie. Le ciel est tout aussi étrange que ces phénomènes isolés, regarde, il est parsemé de traits phosphorescents, il suffirait de les suivre pour le découper. La mer, de son côté, ne fait plus de bruit. La voie ferrée est tout aussi silencieuse. Bientôt, je ne parlerai plus. Je sens mon cœur gonfler et remonter dans ma gorge, comme si le vide s’installait déjà si tôt dans ma poitrine. »

Les morts invoquent toujours les astres avant de s’en aller, c’est une façon de se rapprocher du ciel pour mieux pouvoir le rejoindre pendant la nuit. Les 18 soleils avait aspiré la blessée et, aveugle, je n’ai rien vu et rien pu faire pour empêcher son visage de venir se coller au mien. Cette nuit, je ne pourrai rien faire non  plus ; plongée dans le sommeil profond des plaies encore à vif, mes yeux révulsés ne verront plus rien. Je vais me coucher dans le lit simple à côté du lit double et la nuit continue de bouger sans bruit, mécanique rampante d’agonie.

 

 

Les rêves agités. Il y a cet homme, et aussi cette femme (une femme ??!) qui me poursuivent, ils sont ensemble comme une seule entité et ressemblent étrangement aux jumeaux que je vois dans le miroir chaque jour, ils me rattrapent sans problème, leur corps glissants roses par endroits, visages pâles, si attrayants et leurs mains viennent me flatter les lèvres, et je ne peux pas vraiment le refuser, je me noie sous leurs yeux perçants et fixes et je tremble sous leurs langues inépuisables comment peut-on faire de l’oubli une chose aussi agréable je voudrais pleurer mais le vide intérieur : ils sont en train de le dévorer, leurs mains appuyées sur mon ventre, leurs têtes avides dans mon cou, il faut plus, il faut plus, arracher la bête du ventre ! et je roule des yeux sans comprendre qui est entassé sur moi et qui me griffe le dos ça n’a plus d’importance je n’existe plus ma bouche ouverte a laissé s’échapper les restes de moi je suis l’oubli et je suis morte.

 

 

Réveillée en sueur dans le lit double-celui de la culpabilité. Je pleure le corps endormi à côté de moi, je le pleure et je pleure pour lui, je pleure pour ses organes en vrac bouffés par les milliers de petites morts, je pleure pour sa progéniture immonde qui traverse les rues en tremblant, je pleure pour moi à côté, le retour dans le lit double est la régression à l’infini d’une coquille vide qui n’a jamais eu d’autre chose que des corps sur lesquels pleurer : on enterre la première et sa tête pleine de sang, on enterre la seconde et sa tête vide, on enterre la troisième et sa tête furieuse, on enterre la dernière et sa tête coupable comme on a enterré les chats et les amantes. Je pleure sur l’imprononçable déplacement, l’hideux voyage du lit simple au lit double, le vide qui se fait ressentir encore plus violemment, prise dans cet inséparable couple du lit double et du moi. Je pleure sur le moi qui dort tout près de ma tête et à qui je chuchote des mots rassurants, alors qu’il va bien falloir l’étouffer avec l’oreiller un jour, il va bien y avoir un moment où il faudra l’empêcher de se réveiller –et ce sera de ma main.

 

 

Le lendemain matin, je me réveille seule dans le lit double. La lumière du jour entre dans la maison par la porte d’entrée. La mer clapote doucement ; on entend les trains passer juste à côté de cette dernière. Je sors. Des tas et des tas de gens, transparents, sans aucune matière, font des aller-retours. Le vent fouette mon visage rougi par la sueur de la nuit passée. Mes traits sont figés en une expression impassible, je pense qu’ils le seront pour toujours. Mon cœur, après avoir remonté ma gorge pendant la nuit, s’en est allé par ma bouche entrouverte de sommeil. Je le savais, que c’était la dernière nuit. Je ne savais pas que la douleur ressemblait tant à l’indifférence et que l’absence avait mon propre visage.

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La dernière vague
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