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La dernière vague
28 octobre 2012

L'araignée

L’araignée trottine sur le mur immaculé et éclatant, ralentit un peu puis se fige lorsque les ombres arrivent. Sa couleur écarlate est écoeurante, ses pattes trop longues lui donnent l’air gauche et maladif. La paroi devient soudain glissante, elle perd le contrôle de ses multiples pattes et chute lourdement. Vibrations. Le sol bouge au rythme de la foule qui s’accumule devant les escaliers, tas de déchets vomi par le métro -qui est déjà loin. Étrangement, une conscience perce : la pauvre créature agite ses pattes en l’air, espérant désespérément pouvoir se raccrocher à quelque chose.
La foule a disparu. Restent les ombres.
Puis ses pattes se rétractent et certaines vont jusqu’à disparaître, les sens sont bouleversés et la brûlure, la brûlure de sa gorge lui fait comprendre l’horreur de cette transformation. Elle sent ce cœur battre et cogner contre sa poitrine qui se soulève au rythme de sa respiration saccadée. Et là, la douleur arrive, son cri reste silencieux et ses entrailles se déchirent, puis elle voit ses mains rouges s’agiter au dessus de sa tête. Elle voit les ombres qui regardent ce petit monstre ridicule. Suffocant, sanglotant, elle rampe grotesquement et touche un mur. Sa main s’y appuie, puis son épaule, et enfin sa tête : elle est debout. Elle s’éloigne du mur en vacillant, puis retombe aussitôt, sa tête heurte la paroi et le rouge du sang vient se mêler à celui de sa peau. Alors elle hurle, un cri déchirant qui résonne dans l’endroit désert ; sa gorge continue de brûler mais rien ne mettra fin à sa plainte.
Soudain les ombres s’approchent et l’encerclent, elles enfoncent toutes leurs poings sombres dans sa bouche, interrompant son cri ; la souffrance est immense. Les autres mains lui saisissent le poignet, plantant leurs griffes dans les petites veines qui se mettent aussitôt à déverser un flot de sang souillé. Un grondement se rapproche ; lumières ; un métro. Mais celui-ci est vide, l’intérieur est seulement rempli de copeaux noirâtres qui forment des petits tas par endroits. Les ombres l’entraînent, dans un mouvement parfaitement synchronisée, vers les portes. Elle se débat faiblement, sa tête épuisée dodelinant ridiculement. Une chute, encore. Plus douloureuse encore que les précédentes. Les portes se ferment, elle relève la tête et aperçoit une dernière fois les ombres qui rient de sa face ensanglantée. Le métro redémarre lorsque sa tête retombe sur le sol. Tout est étrangement silencieux. Seul l’égouttement régulier du sang perlant de ses plaies vient troubler ce sentiment d’apaisement. Elle essaye de lutter contre ses yeux qui la trahissent : tout flou ; tout noir. Elle ouvre la bouche et un flot de sang s’en échappe en un gargouillement écoeurant. Elle regarde du mieux qu’elle peut le filet écarlate s’échapper et s’accumuler un peu plus bas, dans un recoin, sous un siège. Elle revoit alors cette masse informe, cette foule glissant vers les escaliers du métro ; déchets ; tremblement ; horreur. Et là, violemment, ses paupières tuméfiées se ferment. D’un seul coup, en un éclair, tout a disparu.

 

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