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La dernière vague
2 octobre 2012

Le ciel effondré

Je suis sur le palier, elle monte les escaliers. Je vois son ombre se refléter sur le mur. Et je ne peux rien faire, il n’y a aucune issue. Son ombre grandit et je recule, puis heurte le mur. Elle est devant moi.

Vous vous demandez pourquoi elle me fait aussi peur. J’aimerais vous la décrire simplement, mais c’est plutôt compliqué. Son esprit est un grand pont, reliant deux points excessivement lointains. Dès que je vois ses cheveux onduler doucement contre son visage, je suis sur ce pont, frappé par les vagues noires. Quelques-uns se sont aventurés à traverser, mais ils se sont sûrement perdus. Car plus on avance, plus l’obscurité engloutit les pensées. Dans la nuit, la vue se perd, les autres sens en sont décuplés, et tâtonnant dans les ténèbres, il arrive que, tout simplement, tout s’évapore. On ne sent même pas son corps heurter le sol de pierre, et disparaître. Je suis encore sur le pont ; je me suis perdue.

Une fois le mouvement de ses cheveux passé, on peut voir son visage. Il y a deux billes noires qui scrutent toute émotion. Je les vois, et des tentacules sombres en sortent tout à coup, elles traversent l’espace nous séparant en sifflant dans l’air, elles arrivent à toute vitesse et rien ne peut les stopper. Elles entrent par mes yeux, par ma bouche, les déformant atrocement, et viennent tordre un peu plus chaque entrailles, chaque partie de moi. Jusqu’à ce qu’un craquement sinistre retentisse ; elles ont encore cassé un de leur jouet. Elle sortent, m’enserrent brutalement et les yeux redeviennent deux billes noires.

Et puis, comme d’habitude, j’entends ce grondement sourd, qui se rapproche petit à petit. Personne n’a jamais vraiment su ce qu’il était, c’est une entité propre semblant animer son corps, contrôlant tout. Je le connais si bien, mais il m’est toujours mystérieux, je l’aperçois scintiller de toute part autour d’elle. C’est une aura éclatante de ténèbres, d’une couleur si sombre que le noir paraît à peine foncé, illuminant les lieux d’obscurité. C’est une sensation étrange, une chaleur qui vous glace le sang, un sentiment éphémère que l’on essaye de capturer tant il est fascinant.

Elle est un être faussement faible, mais c’est pour cela qu’il faut l’aider. Quand elle glisse vers moi, piétinant le ciel effondré, avec des éclats d’ombre surgissant de sa bouche, de son cœur, je voudrais l’emmener loin pour l’aider. Alors j’essaye de lui crier, moi aussi je voudrais être comme toi, je voudrais te comprendre et te regarder chaque instant à travers le rideau lourd de tes yeux, te sonder dans la constellation de ton visage.

Elle est tout près maintenant. Elle marque un arrêt, son aura est brûlante et m’aveugle.
Plus sa lumière noire s’est avancée, plus mon ombre a grandit, je la sens onduler derrière moi, me saisir parfois à la gorge, rendant ma respiration saccadée. Je ne vois plus de visage, je ne vois plus rien, je ne sais plus, j’ai disparu depuis longtemps sur le pont de pierre. Les vagues noires s’abattent sur moi, d’un mouvement étrangement doux, je ne respire plus.

Je me réveille assise par terre. Sentiment de malaise. En moi, je sens comme une boule de ténèbres, brûlante, qui gronde. Le bruit se répercute dans mon corps entier, et une ombre s’élève dans le creux de mon ventre, et vient couvrir mes yeux d’un voile épais. Pourtant, je vous assure, je suis là, le grondement couvre seulement ma voix.

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