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La dernière vague
30 mars 2014

La petite mort de Julia

Elle est venue toute seule en métro, elle repartira dans la même rame crasseuse.

Quand je la vois franchir la porte, j’oublie tout jusqu’au numéro de la chambre. Elle me toise de ses grands yeux bleus perçants, elle ne sourit pas et jette sur une chaise son manteau de fourrure. Elle libère ses pieds des grandes chaussures à talons, une mèche rousse, parfaite boucle, vient devant son visage. Je la lui enlève, la remet derrière son oreille. Elle me regarde froidement, sa bouche rouge reste fermée. Elle se relève, se laisse tomber sur le large lit, regarde le plafond, les bras en croix. Elle sait ce que je veux. Je n’attends pas plus longtemps, je baisse la lumière d’une main fébrile et je vais jusqu’au lit. Je la surplombe, mes deux mains agrippées au drap, tout près de son visage maigre. Elle déglutit. Je m’empare d’elle, lui attrape les cheveux, embrasse violemment chaque parcelle de peau à ma portée. Elle ne m’enlace pas. Je déchire tout ce qui m’éloigne d’elle. Parfois elle se cambre involontairement, fait mine de se relever en un sursaut, et je lui saisis les poignets et les plaque contre le lit, faisant peser sur elle tout mon être. Je frôle et broie ses côtes de mes mains ; elle est si maigre. Je marque un arrêt, me relève, enlève toutes ces couches superflues. Je reste debout quelques minutes et enfin elle comprend son rôle. Je presse sa tête, ses longues boucles rousses désordonnées viennent effleurer mon bassin. Quand le temps vient, je la rejette en arrière et elle se laisse piteusement tomber sur le lit. Je reviens sur elle, la retourne, elle me regarde de haut et ne fait rien, je vais lui faire comprendre. Je la serre contre mon torse et je lui montre ce que c’est, l’amour. Parfois, je la griffe si fort qu’il me semble sentir le sang perler ; mais elle n’a pas besoin de moi pour se planter des milliers de poignards dans le dos. J’ai l’impression, en saisissant sa taille, qu’il me suffirait de forcer légèrement pour briser ce tas d’os noirâtres, salis par le sang séché. Ses yeux sont fermés. Ils ne se rouvrent que lorsqu’elle tombe allongée à côté de moi. Je fixe à mon tour le plafond, rassasié. Je l’entends se lever, se rhabiller, partir sans un mot, à peine soutenue par ses jambes tremblantes.

Son rouge étalé autour de ses lèvres est semblable à un grotesque sourire.

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